Rendre grâce
Rendre grâce à tout et à chaque seconde qui passe. Rendre grâce à la lumière. Et au fait d'être là, vivant encore, et avec des facultés à peu près intactes. Rendre grâce aux jours qui croissent. Rendre grâce aux heures, avec, chacune, sa particularité. Rendre grâce aux choses, autour de nous, familières. A ce vin sur la table. A ces noix sur une assiette. Rendre grâce aux arbres et aux oiseaux. Aux cloches de l'église qui sonnent. Rendre grâce à la Petite Fontaine, à qui, chaque jour, je rends visite. Rendre grâce, oui, à tout ce qui passe et qui, en nous, ne passe pas. Rendre grâce au silence à partir duquel la parole peut prendre son essor. Rendre grâce à la parole, si imparfaite soit-elle, et qui néanmoins nous permet de rendre grâce. Rendre grâce, bien sûr, à la Source, par qui toutes choses sont. Rendre grâce aux vivants et aux morts, et à leur secrète communion. Rendre grâce au soir qui vient et à l'aube où tout, semble-t-il, recommence. Rendre grâce au merle. Au vent dans les feuillages. A la main qui verse un peu de vin. Coupe le pain. Bref, et encore une fois, rendre grâce à tout. Même à la mort, quand elle vient. Rendre grâce enfin au fait qu'on en finirait pas de rendre grâce, car nul ne peut, par ces mots, rendre grâce à l'illimité. Mais à cette impossibilité même il faut rendre grâce, en ce qu'elle nous fait prendre la mesure de nos limites. Que seul excède le fait de rendre grâce.
Georges Haldas
L'ORIENT INTÉRIEUR